
A la suite de la démission du Premier Ministre Sama Lukonde, la décision du Président Félix Tshisekedi de confier au gouvernement démissionnaire la gestion des affaires courantes a engendré des débats houleux.
Après la démission du Premier Ministre Sama Lukonde, le Président Félix Tshisekedi “a demandé au Premier Ministre démissionnaire et aux membres du Gouvernement, chacun en regard de ses fonctions, d'assurer l'expédition des affaires courantes”, apprend CONGORASSURE.CD.
Les restrictions imposées au gouvernement démissionnaire
Le gouvernement démissionnaire, désormais chargé des affaires courantes, est soumis à plusieurs restrictions. Ces mesures comprennent la suspension des recrutements, nominations, et promotions, ainsi que des engagements financiers autres que ceux liés aux dépenses du personnel. De plus, les déplacements à l'étranger pour les membres du gouvernement sont restreints, tout comme les opérations de cession d'actifs de l'État, sauf autorisation spécifique du Président de la République.
Contestation et réactions de l’opposition
Cette décision du Chef de l’Etat Félix Tshisekedi a suscité une vive contestation de la part de l'opposition. Certains, comme Michael Tshibangu, qui est l’un des conseillers de l'opposant Moïse Katumbi, dénoncent une violation de la constitution. Selon eux, le Président Tshisekedi enfreint la loi fondamentale en maintenant un gouvernement démissionnaire, qualifiant cela d'acte de haute trahison.
“Ce n'est pas la première fois que des ministres sont élus députés en RDC. Pour respecter la constitution, les ministres élus députés qui optent pour leur mandat électif quittent toujours le gouvernement. L'intérim est assuré par les vice-ministres ou les ministres qui n'ont pas été élus. Il y a même des secrétaires généraux qui peuvent assurer l'intérim. Il ne faut pas oublier que le Premier ministre avait saisi la Cour constitutionnelle et que sa requête pour rester, pour gérer les affaires courantes, a été rejetée par la Cour”, explique Michael Tshibangu.
La décision du Président Tshisekedi dénote d’une “hérésie, une violation intentionnelle et grave de la constitution pour des considérations politiciennes”, commente à son tour le porte-parole d’Ensemble Herve Diakiese, qui accuse le régime de détricoter avec une « effarante inconscience de toute l’architecture institutionnelle de l’Etat,en lui substituant le fait accompli d’une clique au pouvoir ».
Il affirme que le Président de la république n’a aucun pouvoir discrétionnaire de garder,même pour expédier des affaires courantes ,des membres du gouvernement en flagrante incompatibilité avec leurs qualités d’élus . “Une fumisterie des braconniers du droit qui sape les institutions”, fulmine l’opposant.
“Il n’y au aucun vide institutionnel et nous ne sommes pas face à une situation nouvelle ou sans précédent.Soit les ministres députés renoncent à leurs mandats et laissent siéger les suppléants,soit les non députés récupèrent leurs attributions,ou alors les Sécrétaires généraux”, soutient H. Diakiese.
Analyse juridique de la situation
Des experts juridiques comme Bola Frédéric soulignent que la décision du Président Tshisekedi pourrait être justifiée par l'article 110 de la Constitution. “Il appartient à l’assemblée nationale de suspendre les mandats parlementaires des ministres concernés, conformément à l'article 110 de la Constitution, et de les remplacer par leurs suppléants”, dit-il.
D’après lui, dans le contexte actuel, c'est l'unique solution constitutionnellement valable qui permet d'une part, d'éviter l'incompatibilité prévue à l'art 108 de la constitution , ainsi que la double rémunération, D'autre part, de permettre aux ministres concernés de reprendre de plein droit leurs mandats parlementaires après la cessation définitive de leur fonction de ministre.
Bola Frédéric met également en lumière le manque de définition légale des affaires courantes en droit congolais, soulignant ainsi la nécessité d'un examen sérieux de cette question par les autorités judiciaires et parlementaires. Il appelle à une intervention du Conseil d'Etat pour clarifier cette notion cruciale.
“La notion d'affaires courantes en droit congolais n'est définie ni par la loi, ni par la jurisprudence. Il n'existe pas davantage une doctrine constante en la matière parmi les constitutionnalistes congolais”, avance le juriste et ancien magistrat, expliquant qu’il convient de prendre au sérieux cette problématique dès lors qu'il se pose la question en droit du contrôle juridictionnel et parlementaire des actes posés en affaires courantes par un gouvernement démissionnaire.
La décision du Président Tshisekedi de confier au gouvernement démissionnaire la gestion des affaires courantes soulève des questions constitutionnelles et juridiques importantes en RDC. Alors que l'opposition crie à la violation de la loi fondamentale, des experts insistent sur la nécessité d'une interprétation précise des dispositions constitutionnelles pour résoudre cette nouvelle équation.
CongoRassure