
La question de savoir s'il faut faire un "mémorial" ou simplement une "restitution" divise les scientifiques et les intellectuels ainsi que les communautés pygmées qui ont participé au symposium international de Lubumbashi, qui s'est ouvert jeudi. Le rapatriement des sept squelettes de pygmées Mbuti, déterrés à l'époque coloniale, met en lumière le fossé qui sépare les deux parties.
Après deux jours d'exposition au colloque, les participants ont longuement échangé autour de l'érection d'un mémorial des squelettes de pygmées déterrés à Wamba en 1950 par un médecin suisse et leur rapatriement en République démocratique du Congo. Il y a deux camps : ceux qui considèrent qu'il est plus important de créer un mémorial, et ceux qui sont en faveur d'un simple rapatriement.
Toutefois, l'Université de Lubumbashi est déjà en pourparlers avec l'Université de Genève, où se trouvent les boîtes grises des sept squelettes pygmées, en attente de rapatriement au Congo-Kinshasa.
L'abbé Jean de Dieu Aybeka, de la société civile de Wamba, qui accompagne le peuple Mbuti à ce symposium international, a indiqué vendredi, dans un entretien accordé à Congorassure.cd, que “le rapatriement sans perpétuer la mémoire n'a pas de sens”.
"A notre niveau, en écoutant les communautés où les sept pygmées ont été déterrés et amenés en Suisse, elles parlent plus du mémorial que de la restitution ainsi que du rapatriement. Dès que nous parlons du mémorial, cela a plus de sens pour eux car cela perpétue la mémoire des pygmées qui ont été exhumés et amenés en Suisse", explique l’abbé Jean de Dieu.
Et pourtant d’un autre côté, le combat des artistes, des scientifiques est plutôt pour la restitution. Et c’est devenu une question mondiale.
Face à cette situation, les communautés du peuple Mbuti veulent discuter pour le moment du simple rapatriement. "C'est une question importante mais aussi complexe. Cela prendra du temps, mais la restitution pour le pays, je suis d'accord avec le fait de restituer les restes des pygmées à Wamba, en tant que centre du territoire. Mais étant donné la culture des communautés d'où proviennent les squelettes des pygmées, la restitution n'aura pas de sens, mais plutôt le travail de perpétuation de la mémoire des pygmées aura plus de sens pour cette communauté déshumanisée", ajoute-t-il.
Pour l'instant, les communautés Mbuti, ses représentants au symposium continuent de discuter d'une simple restitution sans mémorial, restant comme l'option de connecter leurs esprits à ceux qui sont des descendants afin de leur rendre justice et dignité.
"Selon la culture Mbuti, une fois que les morts sont enterrés, on les laisse tranquilles et des cérémonies sont organisées pour leur permettre de passer dans un autre monde", explique l'abbé Jean de Dieu Aybeka.
Pour l'heure, les artistes se mobilisent également avec la tournée d'une pièce musicale : "Thé Ghosts are returning", sur la restitution des biens culturels et des restes humains. L'avant-dernière production aura lieu ce samedi au Batiment du 30 juin, suivra l’étape de Kinshasa où deux autres productions sont prévues.
Adrien Ambanengo à Lubumbashi