
Alors que juin est habituellement synonyme de saison sèche intense pour les Kinois, la capitale congolaise connaît depuis la mi-mai une succession de pluies surprenantes, allant jusqu'à provoquer des inondations, rappelant tristement celles d'avril dernier. Un phénomène météorologique rare que l'Agence nationale de météorologie et de télédétection par satellite (METTELSAT) attribue à une perturbation climatique majeure, qualifiée de "saison sèche femelle".
L'ingénieur Augustin Tagisabo, chef de division du centre météorologique national à la METTELSAT, a détaillé les raisons de ce dérèglement. Il explique que ce phénomène est dû à l'influence d'un vent du nord-ouest provenant du golfe de Guinée. Ce flux d'air, qui pénètre le nord-ouest du pays, atteint désormais Kinshasa, perturbant les schémas météorologiques habituels.
"Il y a perturbation au niveau de la ville de Kinshasa et sur le nord de la RDC aussi. C'est le flux des vents du nord-ouest du golfe de Guinée qui frappe Kinshasa," a précisé Augustin Tagisabo. Il a ajouté que "normalement, c'est l'anticyclone de Sainte-Hélène, le vent du sud-ouest, mais son activité est ralentie à cause de ce flux de vent venant du golfe de Guinée." Cette situation crée un effet inversé : "On devrait avoir une saison de pluie au nord de la RDC mais ils sont en train de connaître la sècheresse. À Kinshasa, on devrait avoir de la sécheresse mais il pleut. Donc ça fait l'inverse."
Bien que des pluies sporadiques puissent survenir en saison sèche, la fréquence actuelle est anormale, d'où l'expression technique de "saison sèche femelle" à l'opposé de la "saison sèche mâle", caractérisée par une sécheresse prononcée. À titre d'exemple, la pluie tombée ce samedi a atteint un volume record de 90 millimètres, une quantité "que nous n’avons pas connue pendant la saison pluvieuse", souligne l'ingénieur Tagisabo.
Dans la nuit de vendredi 13 à ce samedi 14 juin, une forte averse s'est abattue sur la capitale, causant des inondations légères mais surprenantes pour les habitants. À Matete, dans les quartiers de Mpudi et Batende, des riverains ont dû s'activer pour repousser les eaux de pluie qui envahissaient leurs habitations. Au quartier Dilandos, à Limete, plusieurs avenues ont été inondées, paralysant la circulation des véhicules et des piétons avec le débordement de la rivière Lukunga, qui sépare Ngaliema et Mont-Ngafula, non loin du rond-point Kintambo Magasin.
Ces pluies inattendues interviennent après un mois d'avril particulièrement éprouvant pour Kinshasa, marqué par des pluies diluviennes qui avaient causé des dégâts considérables : débordements de rivières, routes coupées, et des centaines de victimes et de disparus. La METTELSAT avait pourtant annoncé le début de la saison sèche pour la fin mai (entre le 25 et le 28), un décalage par rapport à sa date habituelle du 15 mai.
Cette "saison sèche femelle" soulève des interrogations sur les impacts à long terme du changement climatique sur les modèles météorologiques de la RDC et sur la capacité de la ville de Kinshasa à faire face à des phénomènes de plus en plus imprévisibles.
Daudi Amin