
Dans un Nord-Kivu de plus en plus secoué par les violences armées et les incertitudes économiques, des jeunes choisissent de bâtir plutôt que fuir. C’est le cas de Joël Mawiro, 28 ans, fondateur de « Be Happy Pressing », une start-up de lavage et blanchisserie installée à Goma, qui se positionne comme une réponse concrète à la crise du chômage et à l’effondrement du tissu social.
Dans un contexte où la chute récente de la ville de Goma entre les mains du mouvement rebelle M23 a ravivé les tensions, provoqué de nouveaux déplacements massifs de population et fragilisé l’économie locale, la résilience entrepreneuriale de jeunes comme Joël Mawiro prend tout son sens.
« Quand la peur et la misère gagnent du terrain, il faut tenir debout. J’ai lancé Be Happy Pressing pour montrer qu’on peut résister autrement : par le travail, la dignité et la solidarité. C’est ma réponse à la violence », affirme le jeune entrepreneur avec calme.
Entre désespoir ambiant et volonté de reconstruire
La crise actuelle n’épargne personne. L’inflation galopante, la fermeture de petites entreprises, les coupures d’électricité fréquentes et l’insécurité ont mis à genoux des milliers de familles dans la province. Pourtant, Joël Mawiro a fait le choix de rester et investir localement.
« Beaucoup de jeunes abandonnent ou rêvent de partir. Mais moi, j’ai choisi de construire ici, malgré les bombes, malgré la pauvreté. Je veux que ma génération sache qu’il est encore possible de se battre avec des idées, pas des armes », ajoute-t-il.
Avec Be Happy Pressing, Joël emploie six jeunes issus de quartiers précaires. Ensemble, ils lavent des vêtements, mais surtout, ils restaurent la confiance en soi, la discipline et l’envie de bâtir un meilleur avenir.
Une entreprise contre les anti valeurs
Dans un environnement où les anti valeurs comme le favoritisme, la corruption ou la trahison sont devenus presque normaux, Joël se veut intransigeant : « Je ne veux pas réussir en m’associant à des pratiques tordues. On peut être pauvre, mais rester digne. Mon entreprise n’est pas seulement un pressing : c’est un symbole. Ici, tout se mérite, tout se gagne par le travail ».
L’économie comme instrument de paix
Joël est convaincu que la solution durable au conflit dans l’Est de la RDC passera par l’emploi des jeunes et leur autonomisation. Il voit l’entrepreneuriat comme un acte politique et pacificateur.
« Donner un emploi à un jeune, c’est lui enlever une arme des mains. Chaque repassage, chaque lessive ici, c’est un acte de résistance à la guerre », déclare-t-il.
Une vision tournée vers l’avenir
Malgré les difficultés, Joël rêve grand. Il projette d’ouvrir d'autres succursales dans les territoires reculés du Nord-Kivu, d’installer un centre de formation aux métiers de la blanchisserie et de sensibiliser les jeunes à l’entrepreneuriat éthique.
« Be Happy Pressing, ce n’est pas que pour faire joli. C’est une vision. Une vision où la paix ne se négocie pas dans les salons, mais se construit dans nos rues, nos quartiers, nos ateliers. Je veux qu’on se batte autrement », conclut-il.
Diddy MASTAKI