En République démocratique du Congo, les fausses informations sur l’accouchement, qu’il soit par voie basse ou par césarienne, continuent de prospérer. Bien que ces fakenews concernent divers aspects de l’accouchement, les perceptions les plus erronées se concentrent souvent sur la césarienne.
Pour démêler le vrai du faux, nous avons sollicité l’expertise du Professeur Felix Momat Kitenge, ancien vice-ministre de la Santé et reconnu comme Gynécologue-Obstétricien spécialisé en Droits de Santé Sexuelle et Reproductive (DSSR).
Dans un échange éclairant, le professeur a partagé sa lecture sur les mythes entourant l’accouchement par césarienne, une intervention souvent mal comprise dans la société.
Q: Docteur, accoucher par voie basse après une première césarienne : Est-ce possible ?
Le professeur Félix Momat : L’utérus cicatriciel constitue aujourd'hui un facteur de risque significatif pour la morbidité et la mortalité fœto-maternelle lors des grossesses ultérieures. Ce risque persiste indépendamment du mode d'accouchement choisi, en raison de l'absence de consensus sur la gestion des accouchements après une césarienne.
Le choix entre une épreuve utérine et une césarienne élective doit se baser sur une évaluation rigoureuse des risques maternels et néonatals spécifiques à chaque méthode. Aucune option n'est sans risques pour la mère et l'enfant.
La césarienne reste la principale cause d'utérus cicatriciel, tant dans les pays industrialisés qu'en République Démocratique du Congo. Les complications durant les grossesses suivantes, telles que les anomalies de l'implantation placentaire et la rupture utérine, sont rares mais graves. Les sociétés savantes en obstétrique recommandent une gestion stricte face à l'augmentation des cas d'utérus cicatriciel. Le mode d’accouchement après une césarienne antérieure doit être choisi en fonction des risques maternels et néonatals. Une tentative d'accouchement par voie basse peut être envisagée si les conditions sont favorables, comme une cicatrice segmentaire et l'absence de causes répétitives de césarienne. Cependant, des situations à haut risque, telles que des indications récurrentes de césarienne, une grossesse multiple, la présentation du siège, ou la macrosomie, sont généralement des contre-indications à l’épreuve utérine.
Q : Après combien de césariennes une femme ne peut-elle plus accoucher par voie basse ?
Le professeur Félix Momat : Le choix du mode d'accouchement après plusieurs césariennes est basé sur divers facteurs, dont la santé de la mère et du fœtus, la qualité de la cicatrice utérine, et les recommandations des professionnels de santé. Généralement, après une césarienne, de nombreuses femmes peuvent envisager un accouchement par voie basse lors d'une grossesse ultérieure, surtout si la cicatrice est segmentaire et que les conditions sont favorables. Après deux césariennes, la possibilité d'un accouchement par voie basse est encore envisageable pour certaines femmes, mais les risques doivent être évalués plus rigoureusement, prenant en compte la qualité de la cicatrice, les raisons des précédentes césariennes, et les conditions obstétricales actuelles. Après trois césariennes ou plus, les recommandations tendent à privilégier une césarienne élective pour éviter les risques accrus de complications, telles que la rupture utérine. Toutefois, chaque cas est évalué individuellement, et les femmes ayant plusieurs césariennes doivent discuter des options avec leurs professionnels de santé pour évaluer les risques et les avantages spécifiques à leur situation.
Q : Pourquoi croit-on généralement que les femmes qui accouchent par césarienne sont faibles, et quels sont les facteurs qui alimentent cette perception ?
Le professeur Félix Momat : La perception selon laquelle les femmes qui accouchent par césarienne sont considérées comme faibles repose souvent sur des croyances culturelles et sociales plutôt que sur des faits médicaux. Cette idée peut être alimentée par des normes culturelles qui valorisent l'accouchement par voie basse comme un signe de force et de résistance, faisant apparaître la césarienne comme un échec de cette norme. La méconnaissance des raisons médicales justifiant une césarienne, telles que des complications durant la grossesse ou le travail, contribue également à des jugements injustes. De plus, la stigmatisation des interventions médicales en général, perçues comme moins "naturelles" ou "authentiques" que l'accouchement par voie basse, reflète une méfiance envers la médecine moderne. Les médias et la culture populaire jouent aussi un rôle en renforçant des stéréotypes simplistes sur l'accouchement. Enfin, les attentes sociales et la pression pour se conformer à des normes perçues peuvent influencer cette perception. Une meilleure éducation et sensibilisation sur les différents types d'accouchement et leurs indications sont essentielles pour réduire ces jugements négatifs.
KMC, Kinshasa