
Le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) a annoncé le vendredi 22 août la suspension définitive du projet « Target Malaria » sur l’ensemble du territoire national. Cette décision intervient quelques jours après un lâcher expérimental de moustiques génétiquement modifiés dans le village de Souroukoudingan, province du Houet, région du Guiriko.
Selon le communiqué du ministère, les enceintes contenant les moustiques transgéniques ont été mises sous scellés dès le 18 août et tous les échantillons seront détruits conformément à un protocole de biosécurité. Les moustiques mâles génétiquement modifiés, déjà introduits dans l’environnement, ont quant à eux été « soigneusement traités par les services techniques compétents ».
Une recherche encadrée mais controversée
Quelques jours auparavant, le 13 août 2025, l’Institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS) avait annoncé avoir procédé au lâcher de moustiques mâles génétiquement modifiés sans impulsion génétique, dans le cadre du projet Target Malaria. L’objectif affiché était d’évaluer de nouvelles approches de lutte contre le paludisme, en complément des méthodes traditionnelles (moustiquaires imprégnées, insecticides, traitements médicamenteux et vaccins).
L’opération avait reçu l’aval des autorités de biosécurité et d’éthique, ainsi que le consentement des communautés locales. L’IRSS avait insisté sur le caractère temporaire et contrôlé de la modification génétique introduite, précisant qu’elle ne devait pas persister dans la population de moustiques ni se propager en dehors de la zone ciblée.
Un arrêt brusque du projet
Malgré ces assurances, le gouvernement Burkinabè a décidé de mettre fin à toutes les activités liées à Target Malaria. Le communiqué officiel, signé par le Secrétaire général du MESRI, Pr Samuel Paré, ne précise pas les motifs de cette décision, mais il marque un coup d’arrêt pour l’un des projets de recherche les plus médiatisés en Afrique de l’Ouest dans le domaine de la lutte contre le paludisme.
Entre innovation scientifique et prudence politique
Target Malaria, soutenu par plusieurs institutions internationales, avait pour ambition de réduire les populations de moustiques vecteurs du paludisme à travers des techniques de modification génétique. Le Burkina Faso faisait figure de pionnier en Afrique, aux côtés de pays comme le Mali et l’Ouganda.
Cette suspension témoigne néanmoins des tensions persistantes entre les avancées scientifiques et les préoccupations sociales, environnementales et politiques liées à l’usage de technologies de manipulation génétique.
Alors que le paludisme continue de faire chaque année des milliers de victimes au Burkina Faso, cette décision interroge sur l’avenir des recherches innovantes et sur la capacité du pays à conjuguer innovation scientifique et acceptabilité sociale.
Diddy MASTAKI