
La République démocratique du Congo est confrontée à une crise silencieuse mais dévastatrice : la traite des êtres humains, en particulier celle des femmes et des enfants, atteint des proportions alarmantes. C’est le constat amer dressé par Siobhán Mullally, Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la traite des êtres humains, au terme de sa mission officielle en RDC.
Dans une déclaration publique, l’experte onusienne a exhorté les autorités congolaises à prendre des mesures urgentes pour lutter contre cette forme moderne d’esclavage, qui touche de plein fouet les populations les plus vulnérables dans les zones de conflit. « La traite d’enfants dans le contexte du conflit armé persiste en toute impunité, avec des conséquences dévastatrices pour l’avenir du pays », a-t-elle déclaré.
Une stratégie de guerre basée sur la terreur
Selon Mullally, des groupes armés utilisent la traite comme une arme stratégique, pour contrôler, terroriser et déplacer les communautés. Les femmes et filles sont systématiquement exploitées sexuellement, tandis que les enfants sont enrôlés comme combattants, esclaves domestiques ou sexuels, ou encore forcés à des mariages précoces.
Cette exploitation est facilitée par l'absence de protection dans les zones de conflit, l’effondrement des systèmes d’alerte et la persistance de l’insécurité. Les pénuries de fournitures médicales, l’accès limité à la justice et l’impunité généralisée aggravent la situation.
Les mines, foyers de traite et d’exploitation
L’experte s’est dite particulièrement préoccupée par la traite des enfants dans les zones minières artisanales, où la corruption et l’absence de réglementation facilitent le travail forcé. Autour de ces sites, la prostitution forcée et l’exploitation sexuelle des jeunes femmes sont monnaie courante. Mullally dénonce aussi le rôle d’acteurs étrangers et d’entreprises qui, en exploitant illégalement les ressources, alimentent les conflits et accentuent les déplacements de populations.
Recul de la protection dans un contexte de retrait international
La situation est d’autant plus critique que la réduction des financements humanitaires et le retrait progressif de la MONUSCO compromettent gravement les efforts de protection des droits humains. « Il est essentiel de maintenir et de renforcer les mécanismes de suivi, d’alerte et de réponse face aux violations liées à la traite », insiste Mullally.
Elle appelle également à intégrer les questions de traite humaine dans les négociations de paix, en s’attaquant aux causes profondes du conflit : pauvreté structurelle, inégalités de genre, exploitation illégale des ressources et culture d’impunité.
Une entrave à la mission au Nord-Kivu
La Rapporteuse spéciale a enfin exprimé son profond regret quant à la décision des autorités de facto du M23 d’avoir empêché sa visite au Nord-Kivu, révoquant son autorisation sans préavis. Elle exhorte toutes les parties, y compris les groupes armés, à collaborer pleinement avec les mécanismes des Nations unies pour les droits humains.
Un rapport détaillé de cette mission sera présenté en juin 2026 devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, avec des recommandations concrètes pour mettre fin à ces pratiques inhumaines.
Diddy MASTAKI