Depuis la récente occupation d’une partie de la ville de Goma par les rebelles du M23, une inquiétante dérive sécuritaire s’installe. Ce qui n’était qu’un simple choix esthétique ou un phénomène de mode devient désormais un prétexte pour des arrestations arbitraires. Avoir un tatouage sur la peau semble suffire aujourd’hui à faire de nombreux jeunes des suspects, traités comme des criminels sans preuve, ni procédure équitable.
Des bouclages qui traumatisent
Les quartiers de Goma, particulièrement ceux proches de l’aéroport, sont devenus le théâtre de bouclages musclés où les jeunes hommes sont les principales cibles. L’arbitraire règne. L’unique signe distinctif pour être interpellé : un tatouage. Ces jeunes sont arrêtés sans mandat, sans enquête préalable, souvent emmenés vers des destinations inconnues, et pour certains, enrôlés de force dans les rangs du M23.
"Lors du dernier bouclage qui s'était fait dans les zones longeant l'aéroport de Goma, mes fils ont été emportés juste parce qu'ils avaient des tatouages. Ils ne sont ni bandits, ni militaires. Depuis ce jour-là, nous n'avons pas de leurs nouvelles", raconte avec douleur une mère désespérée. "On avait dit qu'ils sont détenus à l'assemblée provinciale, mais quand on s’y est rendu, on nous a refusé de les voir. Ça nous fait très mal. Que ces militaires revoient leurs stratégies."
Le tatouage : symbole d'identité, pas d'insécurité
Dans de nombreuses cultures contemporaines, les tatouages ne sont plus associés à la délinquance, mais au style, à l’expression de soi, voire à des convictions personnelles ou religieuses. Assimiler systématiquement un tatoué à un criminel est une stigmatisation injuste qui nie la liberté individuelle et alimente une méfiance inutile entre la jeunesse et les forces de l’ordre.
« Le tatouage n’est pas un crime. Ce qui l’est, en revanche, c’est de priver une jeunesse déjà vulnérable de sa dignité, de sa liberté et de son avenir au nom d’une guerre dont elle n’est pas responsable. », dénonce un défenseur des droits de l’homme ayant requis l’anonymat.
Et se poursuivre : « Il est temps de replacer la justice et la raison au cœur de l’action publique. Il est temps d’écouter les cris silencieux de ces familles brisées par l’arbitraire. Il est temps de redonner à la jeunesse de Goma sa place dans la République : celle de bâtisseur et non de bouc émissaire. »
En criminalisant les apparences, l’autorité sécuritaire à Goma détourne dangereusement sa mission première : protéger les citoyens. Cette confusion entre mode et menace mine la confiance, détruit des familles, et accentue les tensions sociales dans un contexte déjà marqué par l’instabilité.
La Rédaction