Les bureaux du gouvernorat du Nord-Kivu sont désormais occupés par le M23. Dans les rues de Goma, les armes se sont (temporairement) tues, mais le silence est lourd, tendu. Après plusieurs mois d’assauts violents, les rebelles du M23 ont pris le contrôle de la ville depuis fin janvier, imposant leur présence au cœur de l’Est Congolais. Et pourtant, derrière la façade d'une « libération », une colère sourde monte dans les quartiers dévastés.
Ils sont entrés comme des voleurs
Cachée derrière une barricade de fortune, Mama Furaha, 48 ans, tient son enfant sur les genoux. Son regard est fixe, fatigué.
« Ils ont dit qu’ils venaient pour nous libérer de l’injustice. Mais ils sont entrés comme des voleurs. Sans pitié. Sans nous parler. Le M23 ne m’a pas consulté. Qui leur a donné le droit de prendre Goma au nom du peuple ? », s'interrogeant-elle.
Autour d’elle, les maisons portent encore les stigmates des combats : portes défoncées, vitres brisées, silence glacial. Les marchés sont vides du moins sont quasi vides. La peur circule plus vite que les patrouilles rebelles.
Le M23 ne représente que lui-même
Patrick, 30 ans, enseignant de mathématiques dans une école de la place, n’a pas pu retourner travailler depuis la prise de la ville. Il se dit choqué par le discours des rebelles, l'insécurité psychologique et surtout l'incertitude sociale imposée par la rébellion dans cette ville.
« Ils prétendent défendre les Congolais marginalisés, mais tout ce qu’ils ont fait, c’est nous imposer leur loi. A-t-on voté pour eux ? A-t-on signé une pétition pour qu’ils viennent ? Moi je suis Congolais, et je rejette leur guerre. Le M23 ne représente que lui-même ».
Alors que les dirigeants du M23 tentent de s’adresser à la presse internationale, parlant de paix, de justice et de « révolution populaire », les rues de Goma racontent une autre histoire. Celle de milliers de familles fuyant vers Saké, Minova ou les collines du Kahuzi-Biega. Des écoles fermées. Des hôpitaux débordés. Des femmes violées.
Espérance, défenseur des droits humains, est amère : « Je ne peux plus travailler. Je ne peux plus dormir. Je ne peux plus parler librement. C’est ça la libération ? Le M23 dit qu’il se bat pour les jeunes ? Mais ils ont tué notre futur ».
« Ils ne parlent pas notre langue, ils ne connaissent pas notre douleur »
Dans les quartiers populaires comme Mugunga, Kasika ou Mabanga Sud, le rejet est quasi unanime. Ce pasteur rencontré devant une église endommagée par les affrontements, résume le sentiment général : « Le M23 ne parle pas notre langue, ils ne connaissent pas notre douleur. Ils parlent à la radio, mais ils ne nous regardent jamais dans les yeux. Leur guerre n’est pas la nôtre. Ils veulent des terres ? Du pouvoir ? Qu’ils le disent. Mais qu’ils arrêtent de mentir au monde en disant qu’ils parlent au nom de Goma ».
Avec la chute de Goma, c’est bien plus qu’un territoire qui est tombé : c’est la confiance d’un peuple en ses propres protecteurs, en sa souveraineté, qui s’est effondrée. Et face aux caméras des certains médias internationaux, les slogans du M23 apparaissent de plus en plus vides de sens face à la réalité du terrain.
Cette guerre n’est pas la mienne
Dans un murmure devenu cri, une phrase revient en silence de maison en maison, de quartier en quartier : « Le M23 ne m’a pas consulté. Cette guerre n’est pas la mienne ».
Alors que les rebelles paradent dans les grandes artères, les habitants de Goma, eux, comptent leurs morts, pansent leurs blessures, et attendent avec dignité le retour d’une paix réelle, pas imposée par la force, mais née du respect, du dialogue… et de la vérité.
La Rédaction