La chute du maréchal Mobutu et la fin du Zaïre le 16 mai 1997 ; un moment qui a suscité un immense espoir et une désillusion aussi grande. La fin du Mobutisme est aussi un moment clé pour comprendre le déclenchement d’un cycle infernal des violences qui continuent à meurtrir la partie Est du pays.
Surtout, le Congo a été plongé dans un cycle de violence infernal. Un an après la prise du pouvoir de Kabila s’ouvre une deuxième guerre, beaucoup plus meurtrière que la première. Enfants soldats, viols, massacres, famines, maladies. Cette “guerre mondiale africaine” fait intervenir neuf (09) pays de la région et des dizaines de groupes armés. Le décompte des morts est exceptionnellement compliqué. Vingt-six (26) ans après, la guerre continue à se présenter comme un générique dans ce vaste pays de l’Afrique centrale.
Le 16 mai 1997, au revoir Kinshasa. Mobutu Sese Seko se réveille pour la dernière fois, chez lui dans son palais, chez lui à Kinshasa, chez lui au Zaïre. La capitale s’étale sur 40 km². Cinq (05) millions d’habitants vivent pour la plupart dans des petites maisons en moellons de ciment. Cette immense ruche humaine se réveille au bord du fleuve Congo, large et fier.
Mobutu Seseko règne depuis trente-deux (32) ans sur ce fleuve, sur cette ville et sur ce pays grand comme quatre (04) fois la France, quatre-vingts (80) fois la Belgique, l’ancienne puissance coloniale. Le maréchal contemple une dernière fois un soleil diaphane se lever sur Kinshasa. Pour la dernière fois, il coiffe sa célèbre toque en léopard sur ses cheveux grisonnants.
La veille, ses chefs d’état-major lui ont annoncé des mauvaises nouvelles. Les rebelles qui sont partis en guerre depuis sept (07) mois, se rapprochent de Kinshasa. L’armée ne peut plus le protéger. Mobutu Sesse Seko, ancien militaire arrivé par un coup d’État en 1965, sait très bien ce que ça veut dire. Ça veut dire que c’est fini.
Après trente-deux (32) ans de règne sans partage, Mobutu est malade et surtout il est incapable de faire face à l’alliance des rebelles qui depuis des semaines avance depuis la partie Est du pays. Avec un seul objectif, le renverser, lui Mobutu.
Mobutu, le dictateur tout puissant, lui qui se considère comme demi-dieu est chassé du Zaïre. Dans la précipitation, il s’engouffre dans sa limousine et prend la fuite pour Gbadolite le fief du dictateur dans le nord du pays. C’est la ville dont est originaire le maréchal. Gbadolite, c’est “la Versailles de Jungle”. Un village de cases seulement entouré d’une épaisse forêt où, dans sa folie mégalomaniaque, il a installé trois palais et un aéroport international capable de recevoir le Concorde.
Le départ se fait dans la précipitation. Mobutu n’avait pas prévu de partir, pas comme ça. Pas aussi vite. Il faut mettre la famille, le clan dans les voitures. L’escorte doit trouver un itinéraire sécurisé dans les milliers de rues et de ruelles de Kinshasa. Mobutu ne passera pas par les grands boulevards. Les chauffeurs évitent soigneusement les itinéraires habituels. Il faut éviter la foule ou des tirs des rebelles. Malgré les mots soigneusement choisis par les officiels, ce n’est pas un départ, c’est bien une fuite, une fuite désorganisée. Mobutu a été mis dehors. Il n’a plus avec lui que son clan et un quarteron de soldats, ceux de la garde présidentielle qui lui sont fidèles. Mobutu arrive sans casse à Gbaolite. Là-bas, il prépare la suite. Un avion qui va l’emmener vers le Maroc. Car il ne peut plus rester au Zaïre. Plus personne ou presque ne veut de lui.
Le lendemain, le 17 mai, une deuxième journée historique commence. Les habitants ont l’oreille rivée sur la radio, de loin le média le plus suivi au Zaïre. Quartier par quartier, Rue après rue, ils suivent l’arrivée des nouveaux maîtres du Zaïre. D’ailleurs, ce n’est plus vraiment le Zaïre. Mobutu avait eu l’audace et le pouvoir absolu de renvoyer le Congo dans les poubelles de l’histoire et de renommer son pays. Mobutu parti, le Zaïre s’est enfui avec lui. L’armée régulière est en déroute, d’autant que le chef d’État-Major, le général Mahélé a été assassiné. Des cohortes de soldats hagards remontent le boulevard du 30 juin. Ils retournent à leur camp ou ils retournent chez eux soit, ils désertent. Certains tentent de se placer désespérément sous la protection des soldats de l’ONU.
Les troupes de AFDL, l’Alliance des Forces Démocratiques de Libération du Congo, sont enfin là, dans les faubourgs de Kinshasa. Les petits hommes verts comme on les appelle défilent fièrement. Treillis vert, bottes noires. Ils sont soutenus par le Rwanda et l’Angola. Laurent Désiré Kabila peut maintenant annoncer sa victoire. Il s’agit de s’affirmer, de frapper les esprits. Il intervient depuis Lubumbashi. Veste militaire et ton martial. Laurent Désiré Kabila parle de lui à la troisième personne.
Quand le crépuscule tombe sur Kinshasa, il tombe aussi sur le Zaïre, sur un régime, sur toute une époque. L’espoir est là, que Laurent Désiré Kabila rende le pouvoir au peuple et relance le pays. Les habitants peuvent enfin exulter. Une bonne partie de la population déteste Mobutu, son régime policier, sa répression, et surtout la prédation organisée des ressources du pays qui a plongé le Congo dans la pauvreté. Les soldats de Kabila sont dans le centre-ville, dans leurs véhicules. Et la population chante pour les accueillir.
Cette guerre, lueur d’espoir pour le peuple Congolais qui voyait déjà devant lui une libération et un changement radical de basculement d’un régime dictatorial vers la démocratie au Kabilisme à l’idéologie de ses pairs Rwandais, Ougandais, Burundais et toute la suite s’est plutôt consolidée jusqu’à l’heure actuelle.
Diddy MASTAKI, Goma