
Au cœur de cette ville bouillonnante de l’Est de la RDC, un silence lourd pèse sur les foyers. Un silence brisé par le crépitement du bois qui se consume dans des casseroles noircies par la fumée. La flambée des prix du charbon de bois et du gaz domestique a forcé de nombreuses familles à revenir à une méthode de cuisson plus rudimentaire : le bois de chauffage.
Dans les quartiers populaires de Goma, la scène devient de plus en plus fréquente. Des foyers en plein air où le bois remplace le makala (charbon de bois ndrl), pourtant autrefois considéré comme l’alternative la plus abordable. Mais aujourd’hui, même cette ressource devient un luxe.
"Je n’avais jamais imaginé que je cuisinerais à nouveau au bois comme au village," confie Maman Cécile, une veuve de 48 ans, croisant les bras devant son petit brasero fumant.
"Avant, je pouvais acheter un sac de braises pour tenir deux semaines, mais aujourd’hui, c’est devenu impossible. J’ai six enfants à nourrir. Alors, je fais avec ce que je trouve", dit-elle.
La situation est critique. Le prix du sac de charbon de bois a doublé en quelques mois, passant de 40 000 à plus de 80 000 voir 100 000 francs congolais. Quant au gaz domestique, son coût est tout simplement inabordable pour la majorité des ménages. Les habitants se rabattent alors sur du bois de chauffage, une ressource devenue aussi rare que précieuse en pleine ville.
Une quête devenue un combat quotidien
Trouver du bois en ville relève d’un véritable parcours du combattant. Chaque matin, des centaines de femmes et d’enfants arpentent les rues poussiéreuses de Goma, cherchant désespérément quelques morceaux de bois abandonnés, des planches cassées ou des brindilles laissées sur des chantiers.
Tonton Justin, un menuisier du quartier Katindo, est témoin de cette réalité bouleversante : "Tous les jours, des gens viennent récupérer les chutes de bois que nous jetons. Des mères de famille, parfois même des enfants. C’est triste de voir qu’on en est arrivé là."
Mais pour ceux qui n’ont pas la force ou le temps de chercher, le bois de chauffage devient un commerce parallèle florissant. De petits vendeurs apparaissent aux coins des rues, proposant des fagots de bois à des prix exorbitants. Un marché qui profite à certains, mais qui appauvrit encore plus les ménages vulnérables.
Les risques sanitaires et environnementaux
Au-delà du défi économique, ce retour forcé au bois pose de graves problèmes sanitaires et environnementaux. La fumée dégagée par la combustion empoisonne l’air des maisons, provoquant des maladies respiratoires, notamment chez les enfants et les personnes âgées.
"Mes enfants toussent tout le temps depuis qu’on a commencé à utiliser le bois," témoigne Papa Faustin, père de cinq enfants. "Mais que pouvons-nous faire ? Entre manger et se soigner, il faut choisir."
Sur le plan écologique, cette demande accrue en bois accentue la déforestation aux abords de Goma. Le parc national des Virunga, déjà menacé par le braconnage et les conflits armés, devient une cible facile pour l’exploitation illégale du bois.
Un appel à l’aide et à des solutions durables
Alors que la crise s’intensifie, les habitants de Goma attendent des solutions. Certains espèrent des mesures gouvernementales pour subventionner les sources d’énergie alternatives. D’autres appellent à une meilleure gestion des ressources forestières et à la promotion des énergies renouvelables.
"Nous avons besoin d’un soutien réel," lance Maman Cécile, d’une voix tremblante. "On ne peut pas vivre ainsi, dans la fumée et la souffrance. Nous méritons mieux", disent-ils.
En attendant des réponses, la vie continue à Goma. Entre les braises qui s’éteignent et le bois qui se consume, chaque jour est un combat pour simplement préparer un repas. Un combat silencieux, mais qui témoigne de la dure réalité que vivent les citadins face à une crise qui n’épargne personne.
Diddy MASTAKI