
Depuis l’occupation de Goma par la rébellion du M23 fin janvier dernier, la capitale provinciale du Nord-Kivu est confrontée à un phénomène inquiétant. L’arrivée massive de boissons fortement alcoolisées en provenance de certains pays voisins. Jadis interdites à l’importation en raison de leur dangerosité, ces boissons traversent désormais librement les frontières entre la RDC et l’Ouganda, sans aucun contrôle sanitaire préalable.
Parmi ces produits figure le célèbre Chief Waragi, disponible sous plusieurs formats, ainsi que diverses autres boissons à forte teneur en alcool. Ces produits, qui n’ont subi aucune expertise pour évaluer leur conformité à la consommation humaine, sont vendus en toute liberté, aussi bien dans des boutiques que par des vendeurs ambulants. À cela s’ajoute une large distribution de produits brassicoles importés du Rwanda et de l’Ouganda, accentuant la disponibilité d’alcools à bas prix dans la ville.
Face à cette situation, certains acteurs de la société civile tirent la sonnette d’alarme.
« Nous demandons aux nouveaux occupants de la ville de Goma de prendre des mesures urgentes pour couper cette chaîne d’approvisionnement en boissons fortement alcoolisées. Depuis un certain temps, la jeunesse s’adonne à une consommation excessive de ces produits, ce qui risque d’avoir un impact négatif sur l’avenir. Cela semble même amplifier le degré de banditisme chez certains jeunes, qui agissent sous l’effet de l’alcool. Et même ceux qui ne sont pas des criminels sont parfois victimes de fusillades simplement à cause de l’ivresse », alerte un défenseur des droits humains.
Le phénomène de l’alcoolisme, qui prend de l’ampleur, est également perçu comme une conséquence du traumatisme causé par la guerre et du chômage massif qui frappe la population. Serge Sindani, un jeune maçon de 26 ans, témoigne : « Depuis le 26 janvier, je suis cloîtré chez moi. Plus de travail depuis presque trois mois. La seule chose qui nous reste pour résister au traumatisme de la guerre et au chômage, c’est de noyer notre détresse dans l’alcool, plutôt que de sombrer dans le vol ».
Devant cette situation alarmante, de nombreux habitants appellent les autorités locales et les organisations concernées à prendre des mesures urgentes pour enrayer ce fléau, qui menace des vies et fragilise davantage la société.
Diddy MASTAKI