
Dans les rues de Goma, l’ambiance n’est plus à la simple résilience. C’est désormais une question de survie. Depuis des mois, la capitale provinciale du Nord-Kivu ploie sous le poids d’une crise multiforme, mêlant flambée économique, misère sociale, insécurité grandissante et silence assourdissant des institutions.
La monnaie Congolaise a perdu sa valeur à une vitesse vertigineuse. À chaque étal de marché, le prix des biens de consommation courante grimpe au rythme du taux de change du dollar, oscillant entre 3 300 et 3 500 Francs Congolais. Une inflation galopante qui érode brutalement le pouvoir d’achat des ménages déjà fragilisés. La moindre dépense devient un dilemme. À Birere ou à Katindo, les clients ne marchandent plus par habitude, mais par nécessité. Beaucoup repartent les mains vides, pris au piège d’un système économique devenu impitoyable.
Mais au-delà de la crise monétaire, c’est le tissu social lui-même qui se délite. Goma accueille depuis plusieurs mois une importante population déplacée, fuyant les combats dans les territoires des Nyiragongo, Rutshuru ou Masisi elle-même étant déjà sous le contrôle de la rébellion du M23. Des populations, par centaines, restent terrées chez-elles dans des conditions précaires, souvent sans eau potable ni soins de santé. Et pourtant, l’assistance humanitaire, autrefois visible à chaque coin de rue, semble s’être évaporée. Les ONG, moins nombreuses ou à court de financement, peinent à répondre à l’ampleur des besoins, mais aussi la fermeture de l'aéroport de Goma.
Dans les quartiers pauvres de la ville, des enfants errent en haillons, le regard vide. La plupart ont abandonné les bancs de l’école, faute de moyens. Leurs parents, privés d’emploi ou de toute source de revenu depuis la guerre, n’ont plus la capacité de payer les frais scolaires. Le droit à l’éducation garanti par la Constitution, s’effondre dans l’indifférence générale dans cette zone sous occupation.
Et lorsque la nuit tombe sur Goma, c’est une autre peur qui prend le relais. Celle des incursions armées, des coups de feu, des cris dans le noir. L’insécurité n’épargne plus aucun quartier. Des hommes lourdement armés s’introduisent dans les habitations, pillent, violent, tuent parfois. Chaque matin, les habitants comptent les victimes, entre fatalisme et colère contenue. Les patrouilles militaires, trop rares, ne suffisent plus à dissuader les criminels. Le sentiment d’abandon est palpable.
Dans cette ville déjà meurtrie par les séismes, les éruptions volcaniques et les crises sanitaires, l’absence d’un véritable plan de soutien social ou de relance économique creuse un fossé dangereux entre le peuple et les institutions. Les discours ne suffisent plus. Ce que réclament les Gomatraciens aujourd’hui, ce ne sont pas des promesses, mais des actes concrets, une réponse rapide à une souffrance qui ne cesse de croître.
Si rien n’est fait, Goma risque de devenir le symbole vivant de ce que produit l’indifférence prolongée : une ville étouffée par la pauvreté, désarmée face à la violence, et résignée à survivre dans l’oubli.
Diddy MASTAKI