
Ituri : Fissures dans les relations entre Bamanisa et Luboya sur une affaire d’un million de dollars emprunté à la Banque centrale
Le gouverneur militaire de l’Ituri a demandé le 17 janvier 2021 à l’auditorat militaire de cette province d’ouvrir une enquête judiciaire sur la gestion d’un montant estimé à 1 million de dollars contracté par la province de l’Ituri en 2019 auprès de la Banque centrale du Congo.
Dans cette correspondance , il est clair que le lieutenant général Luboya N’kashama Johnny veut savoir à quoi ont servi ces fonds, d’autant plus qu’à ce jour, la province qu’il dirige depuis un peu plus de huit mois n’a pas encore apuré sa dette auprès de la banque. La Banque centrale a récemment manifesté son impatience.
D’un autre côté, cela n’a pas laissé de marbre Jean Bamanisa Saidi. Il est le gouverneur qui était en poste en Ituri à cette époque. Par le biais de son avocat, l’ancienne autorité provinciale de l’Ituri n’a pas été avare des mots en répondant sèchement à son successeur. “Votre mission n’est pas d’auditer la gestion de votre prédécesseur”, a répondu l’avocat de Bamanisa. Une réponse qui en dit long sur l’état d’esprit de son auteur.
Cette réponse plutôt directe, a sans surprise déclenché une guerre “des mots” entre l’ex-gouverneur et son successeur nommé par le président de la République pour diriger Ituri durant la période exceptionnelle de l’état de siège. En effet, des échanges ont eu lieu récemment entre les deux parties, essentiellement dans les réseaux sociaux.
A la réaction de l’avocat de Jean Bamanisa, le gouverneur militaire a à son tour lâché : « Si seulement l’avocat très compétent lit bien mes lettres, il se rendra compte que ce sont les députés provinciaux qui insistent que notre très haute excellence le gouverneur, amoureux de la Suisse (Bamanisa), a fait rembourser par l’Etat les fonds qu’ils prétendent ou disent avoir remboursés”. Pour lui, l’ancien gouverneur qui connaît l’adresse de l’assemblée provinciale, devrait s’adresser aux députés provinciaux, en leur donnant des explications.
Pourtant, quelques mois plutôt, à son arrivée à la tête de l’Ituri, l’autorité provinciale s’est d’abord montrée très critique à l’égard des représentants provinciaux. Ces derniers ont d’ailleurs multiplié les réclamations. Indignés, les députés provinciaux avançaient que le gouverneur les considérait comme des non-contributeurs à la recherche de la paix.
Et curieusement, une « amitié » progressive s’est installée entre eux. Le gouverneur et les députés sont devenus des alliés dans la traque de Jean Bamanisa Saidi, analysent plusieurs observateurs.
C’est ainsi que, dans une nouvelle lettre signée par le gouverneur militaire, celui-ci écrit à l’auditeur militaire principal qu’il pense que la question devrait être résolue, vu l’insistance des honorables députés provinciaux. Cette nouvelle correspondance prouve à suffisance que l’actuel chef de la province souhaite que la justice prenne ses responsabilités et clarifie rapidement la situation, malgré les justifications données par Jean Bamanisa par le biais de son avocat sur l’utilisation de cet argent.
En effet, le gouverneur honoraire a déclaré que cet argent a été utilisé pour payer les subsides des élus provinciaux à hauteur de 415.000 dollars, 485.000 dollars ont été alloués à la réhabilitation des routes provinciales et 100.000 dollars ont été utilisés à d’autres fins. Malheureusement, ces justifications ne semblent pas convaincre le gouverneur militaire de l’Ituri.
Par ailleurs, tout porte à croire que la justice, sur laquelle Johnny Luboya compte s’appuyer, ne se saisira pas de cette affaire de sitôt. Or, depuis l’avènement de l’état de siège, la justice militaire a toujours fait preuve de souplesse dans le traitement des dossiers qui lui sont confiés par l’administration militaire. En l’occurrence, le cas du député provincial Huber Bero, qui a été été condamné en 24 heures chrono ainsi que le cas de détournement de fonds présumé à la RTNC-BUNIA. L’on peut également citer le grand cas de détournement à la Direction Générale des Recettes de la province de l’Ituri DRPI où des agents ont été arrêtés en cascade et même le DG de la régie et sans oublier le cas de détournement des fonds de guerre par certains officiers militaires.
Tout ceci amène à s’interroger pourquoi l’auditorat est silencieux sur l’affaire Bamanisa. Est-ce parce que l’ancien gouvernement a bel et bien géré ces fonds comme il se doit ? Cependant, il faut aussi rappeler que Jean Bamanisa a déjà fait l’objet de plusieurs enquêtes, mais celles-ci n’ont donné aucun résultat. Même celles qui ont été initiées par l’assemblée provinciale n’ont pas pu prouver un quelconque détournement. Et ce, malgré plusieurs accusations.
Toutefois, il serait judicieux que la justice ouvre un dossier pour prouver la culpabilité ou l’innocence de l’ancien gouverneur afin de mettre fin aux spéculations.
Marcus Jean Loika, Bunia