
Depuis la récente baisse du taux de change du dollar Américain face au franc Congolais, une rareté préoccupante de la monnaie nationale s’observe sur les marchés et dans les circuits commerciaux. Cette situation entraîne un ralentissement notable des transactions, affectant aussi bien les petits commerçants que les grandes entreprises.
Le taux de change, passé en quelques jours de 3 000 FC à environ 2 200 FC pour un dollar Américain, a plongé le marché dans une confusion monétaire. Si cette appréciation du franc Congolais aurait pu être perçue comme un signe de stabilité, elle a au contraire révélé un manque criant de liquidités en billets de banque dans plusieurs villes du pays, notamment surtout celles sous occupation de la rébellion du M23 où aucune banque n'est fonctionnelle depuis janvier et février dernier.
« Nous avons des francs dans nos comptes, mais pas dans nos mains. Les clients veulent payer en billets, mais les banques ne fonctionnent plus », déplore Jeanine Kavira, commerçante de produits alimentaires au marché Virunga à Goma.
Un paradoxe monétaire
La Banque Centrale du Congo (BCC) avait récemment appelé à renforcer la confiance dans la monnaie nationale, mais le manque de disponibilité physique des billets compromet ces efforts. Plusieurs opérateurs économiques dénoncent des retards de livraison des nouveaux billets et des restrictions à la caisse dans les institutions financières.
Dans les rues, les transactions quotidiennes se font difficilement. Les chauffeurs de taxi et les vendeurs de rue refusent souvent les paiements par mobile money, préférant les billets qu’ils ne trouvent pourtant pas. Ce blocage crée un ralentissement du flux commercial, particulièrement dans les zones frontalières où les échanges dépendent fortement des espèces.
Conséquences sur les prix et la vie quotidienne
Malgré la baisse du taux de change, les prix des denrées alimentaires et des produits importés n’ont pas suivi la même tendance. Le riz, le sucre ou encore le carburant maintiennent leurs coûts élevés. Plusieurs économistes expliquent cette inertie par la rigidité du marché intérieur et le temps de réaction du commerce international.
« Le marché Congolais fonctionne sur une forte dépendance au dollar. Tant que la circulation du franc Congolais reste limitée, la population ne bénéficiera pas directement de la revalorisation du taux de change », analyse Didier Mukeba, économiste indépendant basé à Goma.
Vers une intervention de la Banque Centrale ?
Face à la situation, des voix s’élèvent pour exiger une intervention rapide de la BCC afin de réinjecter de la liquidité en francs Congolais dans les circuits commerciaux. Certains observateurs appellent également à une politique plus rigoureuse sur la gestion du cash et à la promotion du paiement électronique pour limiter la dépendance aux espèces.
Un défi structurel récurrent
Cette crise de liquidité n’est pas une première. Elle illustre un problème structurel de l’économie Congolaise : une monnaie nationale fragile, peu soutenue par la production locale et vulnérable aux variations du dollar. Sans une stratégie monétaire claire et coordonnée, le franc congolais risque de demeurer un outil instable pour les échanges internes.
Diddy MASTAKI