
Dans les collines fertiles de l'est de la République Démocratique du Congo, le cacao est devenu une ressource stratégique… mais aussi une malédiction. Dans les territoires de Beni et d’Irumu, cette filière agricole, censée offrir un avenir prospère aux populations locales, alimente aujourd’hui un système de corruption généralisée, de vols, et même des assassinats. En toile de fond : un chaos sécuritaire où l’économie de guerre prospère.
Alors que le chocolat congolais séduit de plus en plus le marché international grâce à sa qualité, sa chaîne d’approvisionnement est noyée dans un système mafieux, impliquant des groupes armés, des autorités locales corrompues, et des trafiquants bien organisés. Selon une enquête menée par Africa XXI, sous le titre "Corruption, vols, assassinats… Dans l’est de la RD Congo, le cacao finance le chaos" de juillet 2025, le cacao, produit notamment dans les zones sous tension, est souvent acheté à vil prix ou extorqué par les miliciens. Ces derniers utilisent les bénéfices pour financer leur arsenal et asseoir leur contrôle sur les territoires.
Selon des témoignages recueillis sur place, les producteurs locaux sont contraints de verser des taxes illégales à plusieurs groupes armés ou à des individus se réclamant de l’autorité. Les entrepôts sont fréquemment pillés, les convois attaqués, et les cultivateurs menacés, parfois tués, lorsqu’ils refusent de collaborer ou dénoncent les abus.
Des fonctionnaires étatiques sont également pointés du doigt pour leur complicité. Des documents de transport falsifiés permettent l’exportation illégale du cacao via des réseaux transfrontaliers, principalement vers l’Ouganda et d'autres pays voisins, où les produits sont blanchis avant d’atteindre les marchés internationaux.
Au cœur de ce scandale : l’absence de contrôle étatique réel dans plusieurs zones rurales du Nord-Kivu et de l’Ituri, et l’impuissance des forces de sécurité face à des groupes armés bien ancrés. Alors que des ONG et des acteurs de la société civile alertent sur cette dérive, très peu de mesures concrètes sont prises par les autorités pour assainir cette filière vitale.
Le paradoxe est saisissant : pendant que le cacao congolais est salué dans les salons internationaux, dans les champs où il est cultivé, les paysans vivent dans la peur et la précarité.
Pour certains observateurs, il est temps de mettre en place une traçabilité stricte du cacao congolais, d’y associer des mécanismes de certification équitable, et surtout, d’assurer une présence effective de l’État dans les zones de production. Faute de quoi, cette ressource continuera de nourrir la guerre, au lieu de semer la paix.
Diddy MASTAKI