
Le Président de l’Assemblée Nationale, Vital Kamerhe, a officiellement saisi la Cour Constitutionnelle à travers une correspondance datée du 25 avril 2025 pour dénoncer la poursuite judiciaire engagée contre le député National Matata Ponyo sans la levée de ses immunités parlementaires, comme l’exige la Constitution.
Selon ce courrier, Vital Kamerhe rappelle à la Haute cour l’obligation de respecter les procédures prévues par l’article 107.
« Aucun parlementaire ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Et aucun parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu'avec l'autorisation de l'Assemblée nationale ou du Sénat, selon le cas », martelle Vital Kamerhe.
Le Président de l'Assemblée Nationale invite ainsi la Cour Constitutionnelle à constater l’existence de ce préalable constitutionnel, qu’il qualifie de verrou incontournable, et à en tenir compte dans la suite du traitement judiciaire de l’affaire.
Il rappelle que le respect des immunités parlementaires n’est pas une entrave à la justice, mais une garantie constitutionnelle de l’indépendance des pouvoirs et de la protection des représentants du peuple.
« Il ne s’agit pas d’entraver la justice, mais de garantir la séparation des pouvoirs et l’inviolabilité des représentants du peuple », écrit Vital Kamerhe, appelant le ministère public à se conformer à cette exigence.
Respect scrupuleux du processus
Si Kamerhe ne conteste pas la nécessité de rendre justice dans le cadre du dossier Bukanga-Lonzo, il insiste néanmoins sur le respect scrupuleux de la procédure légale. Il cite en appui la position adoptée par la plénière de l’Assemblée nationale en date du 17 avril 2025, laquelle estime que les poursuites engagées contre Matata Ponyo sont inconstitutionnelles en l’absence de toute levée officielle de son immunité.
Lors de cette plénière, le speaker de la Chambre basse avait déjà critiqué la démarche du procureur général près la Cour Constitutionnelle, qui a convoqué Matata Ponyo sans avoir préalablement sollicité la levée de son immunité.
Kamerhe s’était appuyé sur le précédent de Nicolas Kazadi, alors ministre des Finances, pour qui une demande formelle avait été introduite auprès de l’Assemblée nationale, qui avait donné son feu-vert à l’instruction judiciaire.
« Pourquoi la Cour constitutionnelle ne suit-elle pas cette même voie ? », s’était interrogé Kamerhe, regrettant que son institution n’ait reçu aucune correspondance officielle avant l’ouverture du procès.
Matata jugé par défaut
Pourtant, le 23 avril, la Cour Constitutionnelle siégeant en matière répressive a poursuivi l’instruction du dossier, en l’absence des trois principaux accusés : Matata Ponyo, Déogratias Mutombo, ancien Gouverneur de la Banque Centrale du Congo, et l’homme d’affaires sud-africain Christo Grobler. Ces derniers ont justifié leur absence respectivement par la couverture parlementaire et des raisons médicales.
La haute juridiction a rejeté ces justifications. Elle a souligné que l’Assemblée Nationale n’a adopté aucun acte officiel de suspension de la procédure judiciaire ou de constat de levée des immunités. Le Président de la Cour, Dieudonné Kamuleta, s’est appuyé sur l’article 151 de la Constitution pour rappeler que le pouvoir judiciaire est indépendant et que le Parlement ne peut interférer dans le cours de la justice.
« Les députés peuvent parler, mais l’institution Assemblée Nationale n’a pris aucune décision », a-t-il tranché.
Par ailleurs, la Cour a également contesté les rapports médicaux produits par les prévenus absents, estimant qu’ils ne respectaient pas les exigences légales requises pour être recevables.
Vingt ans de prison requis
Alors que le ministère public a requis 20 ans de servitude pénale contre Matata Ponyo, ainsi que son inéligibilité pour 10 ans, le débat entre immunité parlementaire et poursuites judiciaires s’intensifie au sommet de l’État. Une cinquantaine de députés ont déjà dénoncé ce qu’ils qualifient de « coup d’État institutionnel » et exigé la régularisation de la procédure, voire la démission du procureur général.
Le verdict du procès est attendu pour le 14 mai prochain. En attendant, la correspondance de Vital Kamerhe ajoute une nouvelle couche de tension à un dossier déjà explosif, où se joue non seulement le sort de Matata Ponyo, mais aussi l’équilibre entre les institutions de la République.
Merveilles Kiro