En visite officielle en République démocratique du Congo, le Chef d’état-major de l’armée Ougandaise, le Général Muhoozi Kainerugaba, a tenu des propos qui résonnent déjà comme un tournant dans les relations sécuritaires et diplomatiques dans la région des Grands-Lacs. Reçu samedi dernier à la Cité de l’Union Africaine par le Président Félix Tshisekedi, le haut gradé Ougandais n’a pas mâché ses mots au sujet du groupe armé Wazalendo, actif dans l’Est de la RDC.
« Les Wazalendo sont clairement une force négative ! Je crois que les forces conjointes de l’UPDF et des FARDC les attaqueront partout où nous les trouverons, à moins qu’ils ne soient assez intelligents pour se rendre », a déclaré Muhoozi, lors d’un échange médiatisé après sa rencontre avec le chef de l’État Congolais.
Le général n’a pas hésité à accuser ce groupe armé d’avoir tué des civils dans des zones proches de la frontière ougandaise : « Les Wazalendo ont tué nos populations dans les zones frontalières où nous ne sommes pas déployés. Nous n’attendrons pas pour les affronter. Si vous tuez notre peuple, vous en paierez le prix ».
Une déclaration qui agite les salons politiques
Ces propos, directs et belliqueux, ont rapidement enflammé les réseaux sociaux et les milieux diplomatiques de Kinshasa à Kampala. Plusieurs analystes et responsables politiques s’interrogent sur le véritable positionnement de l’Ouganda dans le conflit complexe qui secoue l’Est de la RDC, où une multitude d’acteurs armés, d’intérêts économiques et de rivalités géopolitiques s’entremêlent.
Mais c’est surtout une autre déclaration du général Muhoozi qui suscite des inquiétudes et de vives réactions : « Toute personne qui prétend que je me suis déjà opposé à mon cher oncle, le général Kagame, cherche vraiment des ennuis avec moi. Et je réglerai leur cas ».
En affichant ouvertement son allégeance au Président rwandais Paul Kagame, le fils du président Ougandais Yoweri Museveni brouille les cartes, au moment même où les tensions diplomatiques entre Kinshasa et Kigali restent extrêmement élevées. Cette sortie remet en question l’impartialité de Kampala dans la crise sécuritaire régionale, et alimente les spéculations sur une éventuelle double posture de l’Ouganda : allié officiel de la RDC dans la lutte contre les groupes armés, mais fidèle à Kigali dans une logique d’alliance historique.
Une visite entre coopération militaire et crispations politiques
Arrivé à Kinshasa depuis vendredi, le Général Muhoozi Kainerugaba a entamé une mission de travail dans le cadre de l’évaluation des opérations conjointes FARDC-UPDF contre les rebelles des ADF dans la région du Grand Nord. Il s’est entretenu avec son homologue congolais, le Général Jules Banza Mwilambwe, avant d’être reçu par le Président Tshisekedi, Commandant suprême des Forces armées Congolaises.
Malgré le ton officiel de la visite, cette rencontre survient dans un climat chargé, où la méfiance entre les pays de la région s’intensifie, notamment autour de la gestion du conflit en Ituri et au Nord-Kivu, des accusations de soutien à des groupes armés, et des enjeux économiques liés à l’exploitation des ressources naturelles.
Le masque tombe-t-il pour l’Ouganda ?
La posture ambivalente de Muhoozi Kainerugaba, entre coopération affichée avec Kinshasa et fidélité déclarée à Kigali, soulève des doutes sur la sincérité de l’engagement Ougandais pour la paix dans l’Est Congolais. À l’heure où les Congolais exigent des résultats concrets sur le terrain, la guerre des mots pourrait bien précéder celle des actes.
Diddy MASTAKI