
Le 7 juillet, date symbolique du combat pour la démocratie au Kenya, s’est mué en une journée de deuil national. Au moins dix (10) personnes ont été tuées et des centaines arrêtées lors de violentes manifestations antigouvernementales à travers le pays, selon la Commission nationale Kényane des droits humains (KNCHR) et la police. À Naïrobi, la capitale, les rues ont été transformées en zones de guerre, avec un déploiement massif des forces de sécurité, des tirs de gaz lacrymogène et des affrontements sporadiques dans plusieurs quartiers.
Le « Saba Saba » (« sept, sept » en swahili), journée de commémoration du soulèvement populaire du 07 juillet 1990 pour l’instauration du multipartisme, a été réinvesti cette année par une jeunesse urbaine et mobilisée, marquée par une année de protestations contre la pauvreté, la corruption, les taxes excessives et les violences policières.
« Ruto doit partir ! », scandaient des manifestants encerclés par la police en périphérie de Naïrobi, reprenant le mot d’ordre devenu emblème du mouvement depuis 2024.
Selon la police, 11 morts et 63 blessés (dont 52 policiers) ont été enregistrés, tandis que la KNCHR a documenté 10 morts et 29 blessés dans 17 comtés. La tension est montée à son paroxysme lorsque la police, accusée de collusion avec des bandes criminelles armées, a violemment dispersé les manifestants. Ces milices, munies de fouets, massues, machettes, lances et arcs, auraient opéré aux côtés des forces de l’ordre, selon la KNCHR.
« Ce n’est plus une force de maintien de l’ordre, mais une milice d’État », dénonce un militant des droits humains, alors que les attaques ciblées contre les médias et les ONG se multiplient. Dimanche, des hommes armés ont attaqué le siège de la KNCHR alors qu’une conférence de presse dénonçait les brutalités policières.
La mobilisation du 07 juillet faisait également écho aux événements du 25 juin, où 19 personnes avaient été tuées et 500 arrêtées. Ce jour-là, des manifestants avaient brièvement investi le Parlement, provoquant une onde de choc dans tout le pays. Le gouvernement avait alors évoqué un « coup d’État déjoué », une version contestée par de nombreux observateurs.
Dans ce contexte de répression accrue, la colère reste vive, notamment chez les jeunes de la génération Z, instruits, connectés, mais confrontés à un chômage massif et un avenir incertain.
« Ce que Ruto a promis, il ne l’a pas réalisé. La santé, l’éducation, le coût de la vie… tout empire. Ce cri “ Ruto doit partir ”, nous allons le répéter chaque jour », affirme Rogers Onsomu, un chauffeur de boda-boda de 32 ans.
Les organisations internationales comme Amnesty International, Human Rights Watch et les Nations-Unies ont exprimé leur inquiétude face à l’usage excessif de la force. Elles appellent à des enquêtes indépendantes et transparentes, alors que la confiance entre les citoyens et leurs institutions semble brisée.
Alors que le Kenya s’enfonce dans une crise socio-politique de plus en plus profonde, une chose est certaine : la jeunesse n’a pas dit son dernier mot, et l’esprit du « Saba Saba » continue de résonner avec force, trente-cinq ans après sa naissance.
Diddy MASTAKI