
Dans les collines meurtries de Nyiragongo et la ville martyre de Goma, les balles ont remplacé les chants d’oiseaux, et les sirènes de guerre ont éclipsé les cris d’espoir. C’est dans ce décor de conflit permanent que des héros silencieux poursuivent leur mission : soigner, même sans moyens, sans sécurité. Parmi eux, Olive Kahambu, infirmière dans une structure sanitaire de la zone de santé rurale de Nyiragongo, témoigne d’une réalité insoutenable.
« Depuis que la ville est sous contrôle de la rébellion du M23, nous travaillons dans des conditions très très difficiles », confie-t-elle, les traits tirés par l’épuisement.
Olive parcourt régulièrement plusieurs kilomètres à pied, bravant les routes minées d’incertitudes, pour rejoindre son centre de santé, isolé et presque oublié.
Cette semaine, le 12 mai, le monde célèbre la Journée internationale des infirmiers et infirmières, en hommage à Florence Nightingale, pionnière des soins infirmiers modernes. Tandis que d’autres reçoivent des fleurs et des messages de gratitude, Olive Kahambu et ses collègues, disciples invisibles de Nightingale, se battent dans des conditions inhumaines. Leur lampe n’est pas seulement une image, mais une réalité : celle d’un engagement éclairant l’obscurité de la guerre et de la misère humaine.
Les hôpitaux et centres de santé de Goma et Nyiragongo, déjà fragiles avant la guerre, sont aujourd’hui à l’agonie. Le personnel médical, débordé et non rémunéré, fait face à un afflux alarmant de patients depuis fin janvier.
« Nous connaissons toujours des ruptures des stocks de médicaments alors que nous avons admis trop de patients, nombreux étant des victimes des affres de la guerre. Des blessés surtout », raconte Olive avec émotion.
Les combats ont entraîné un exode massif. Des familles entières déplacées surtout des dependants des militaires des FARDC se réfugient dans des écoles, des églises, parfois à la belle étoile. Dans cette situation, les cas de paludisme se multiplient, notamment chez les enfants et les femmes enceintes, aggravés par l'absence totale de moustiquaires imprégnées (MILD) même dans la plupart des famille de Goma.
« Et plusieurs personnes n'ont pas les moyens d’honorer leurs factures. Ce qui nous pousse à travailler sans rémunération. C'est vraiment catastrophique », soupire-t-elle.
Cette situation, où les soignants deviennent eux-mêmes des victimes collatérales du conflit, illustre l'effondrement du système de santé local. Les autorités sanitaires peinent à accéder aux zones contrôlées par les rebelles, et les partenaires humanitaires sont souvent limités dans leurs mouvements.
Olive Kahambu lance un appel désespéré : « Que le gouvernement nous aide, soit à finir la guerre, soit à envisager une urgence humanitaire en ville de Goma et territoire de Nyiragongo afin d'améliorer non seulement nos conditions de travail, mais aussi notre vie sociale et la mise au premier plan de la santé de ces Congolais qui endurent la guerre depuis plus de trois mois ».
Le sort des infirmiers et infirmières de Nyiragongo, tout comme celui de leurs patients, mérite plus qu’une reconnaissance : il exige une action immédiate. Le silence qui entoure leur détresse est une blessure de plus à soigner dans ce territoire déjà trop meurtri.
Diddy MASTAKI