
La République Démocratique du Congo, un pays marqué par la diversité culturelle et linguistique, traverse une période difficile. Tandis que les habitants des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, particulièrement affectés par les violences de la guerre, subissent des souffrances innommables, un autre fléau semble émerger dans d’autres régions du pays : celui des violences basées sur l’expression linguistique. Ce phénomène est d'autant plus inquiétant qu'il touche le cœur même de la cohésion nationale, pilier fondamental de la République Démocratique du Congo.
Les autorités religieuses du pays, notamment les Archevêques et Evêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), ont exprimé leur profonde inquiétude face à cette situation de division. Ils dénoncent fermement la stigmatisation de certains Congolais simplement parce qu’ils parlent le Swahili, une des quatre langues nationales de la RDC, aux côtés des langues locales variées. Une telle attitude, qui s’apparente à de la discrimination linguistique, est perçue comme une menace directe à la paix et à l'unité du pays.
Ce phénomène inquiétant est amplifié par l’exploitation de certaines plateformes publiques, notamment celles des églises. Des « pasteurs » ou « gourous », profitant de leur influence, incitent à la haine et à la violence en exploitant la diversité linguistique et ethnique du pays pour alimenter la division. La CENCO condamne fermement ces discours haineux et appelle à une prise de conscience collective contre cette dérive dangereuse.
L’unité du peuple Congolais, longtemps un modèle de cohésion malgré la diversité des origines et des langues, est aujourd’hui remise en question. Les évêques rappellent des épisodes significatifs de l’histoire récente de la RDC, comme l’élection massive d’un gouverneur et de députés nationaux originaires du Kongo Central dans la ville de Goma. Ils soulignent que des candidats à la présidence, provenant aussi bien de l'Est que de l'Ouest du pays, ont été élus démocratiquement par la population, un signe fort de la cohésion nationale dont le pays pouvait être fier.
Cependant, cette situation semble rétrogresser, une régression qui interpelle les consciences et les responsabilités de chaque Congolais. Les évêques avertissent que la montée de cette ségrégation linguistique et ethnique risque d’entraîner des conflits intercommunautaires dévastateurs, pouvant mener le pays encore plus loin dans la violence.
Face à ce climat de tension, la CENCO appelle à la sagesse et à la solidarité des différentes communautés congolaises. Elle exhorte la population à ne pas se laisser manipuler par ceux qui prônent la division, en faisant de la chasse aux Swahiliphones ou des discriminations ethniques un prétendu acte de patriotisme. Au contraire, il s’agit d’un appel à la paix, à la réconciliation et à la solidarité entre tous les citoyens de la RDC.
Les évêques encouragent également la population à manifester de la compassion envers ceux qui, en raison de la guerre et de l’insécurité, sont contraints de fuir leurs terres et leurs foyers. L’hospitalité et la solidarité doivent être des valeurs cardinales pour accueillir ces frères et sœurs dans les communautés plus sûres du pays.
Enfin, la CENCO adresse un appel solennel au gouvernement pour qu’il prenne ses responsabilités en matière de sécurité et de protection des citoyens. Le respect des droits de toutes les populations congolaises, sans distinction de langue, d’origine ou d’appartenance ethnique, doit être une priorité afin de garantir la cohésion sociale et la paix durable en RDC.
Les évêques concluent leur déclaration en implorant l’intercession de la Vierge Marie, Notre Dame du Congo, pour que le Seigneur accorde au pays la grâce de vivre dans l’unité et la paix, unis dans la diversité qui fait la richesse de la RDC.
Gloiredo Ngise