
Dans les rues poussiéreuses du quartier Katindo, comme dans les ruelles animées de Birere, un mot circule sur toutes les lèvres : Kabila. Depuis l’annonce de la levée des immunités parlementaires de l’ancien Président Joseph Kabila, une onde de réactions traverse la ville de Goma. Ici, au cœur de l’Est congolais, région dont Kabila est originaire, la nouvelle est accueillie avec un mélange d’enthousiasme, de prudence et de désir de justice.
« C’est un pas vers la vérité », souffle Aline Kabuo, vendeuse de pain au marché Virunga, un nom d'emprunt pour des raison de sécurité.
Pour elle, cette décision symbolise une rupture avec une époque : « Kabila, c’est quelqu’un de chez nous. Mais cela ne veut pas dire qu’il est au-dessus des lois. Nous avons souffert ici pendant des années, et personne n’a jamais répondu de rien. Si on veut la paix, il faut aussi la justice ».
Un moment historique pour la démocratie ?
Au centre-ville, dans un petit café fréquenté par des jeunes activistes, l’ambiance est électrique. John Mumbere, étudiant en droit et militant dans un mouvement citoyen, estime que cette levée d’immunité est « historique » : « Ce n’est pas de la haine contre Kabila. C’est le principe de redevabilité qui entre enfin dans notre culture politique. Si des faits graves lui sont reprochés, il doit se présenter devant la justice comme n’importe quel citoyen ».
Un respect mitigé, un soulagement partagé
Même parmi ceux qui disent avoir du respect pour l’ancien chef de l’État, la décision du Parlement est vue comme salutaire. « Il a été Président, il a construit, c’est vrai. Mais il y a aussi beaucoup de zones d’ombre. Nous devons tourner la page, mais proprement », déclare Blaise Katembo, motard de 36 ans.
Et d'ajouter : « Ce n’est pas parce qu’il est de l’Est qu’on va le défendre les yeux fermés. On a aussi besoin de savoir ce qu’il a fait ou pas fait ».
Des craintes en arrière-plan
Cependant, dans certains quartiers populaires, l’ambiance est plus réservée. Plusieurs habitants craignent une instrumentalisation politique. Une femme qui préfère garder l’anonymat dit : « Il faut faire attention. Ici à Goma, on est souvent pris entre les conflits politiques de Kinshasa. On veut la justice, pas des règlements de comptes ».
L’attente d’une justice impartiale
La levée des immunités n’est pour l’instant qu’un signal politique. Reste à savoir si une procédure judiciaire sérieuse suivra. En attendant, à Goma, l’attente se mêle à l’espoir.
« On ne veut plus d’impunité. Kabila, comme d’autres, doit répondre de ses actes. Le peuple a trop souffert », conclut Aline, en rangeant ses derniers pains du jour.
Diddy MASTAKI